RECIT: SALMOTREK - Carnet de Voyage.
- Emilien Feron
- 9 juil. 2021
- 10 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 juil. 2021

Dans le domaine de la pêche, je n’ai jamais été forcément attiré par la compétition, pourtant quand j’ai entendu parlé de la Salmotrek organisée par la Fédération Française de Pêche Sportive carnassiers, je me suis senti envahi par un désir profond d’y participer.
Cette compétition, créée par Michel Polydor, président de la FFPS Carnassiers à pour ambition de démontrer que la pêche est bel et bien un sport.
En mêlant un trek de 2 jours et demi en totale autonomie et en altitude avec le principe d’une compétition classique de pêche (prendre le + de cm de poissons), le défi est relevé.
Je vous partage mon carnet de voyage.
VENDREDI
Il est 7h et je suis sur le parking à attendre le reste de l'équipe au pied des immenses montagnes pyrénéennes de St Lary Soulan.
La voiture est chargée et on sent comme une petite sensation de stress qui commence à nous envahir lorsque les gars débarquent avec leurs sacs et qu’on se dit bonjour.
Sont avec moi Clément Tegny qui sera mon binôme ainsi que Romain Sallier et Thibault Salom qui formeront un autre binôme représentant la marque Caperlan-predator fishing.
Swanee, responsable communication et Olivier, patron de la marque sont aussi présents, non pas pour participer à la compétition mais parce qu’ils apportent de gros cartons de dotations pour l’ensemble des participants.
Un dernier check oral de nos différents sacs de trek et c’est parti pour l’aventure : direction le Lac d’Orédon, point de rendez-vous pour le grand départ de la Salmotrek.

9h, après l’émargement et la distribution des gifts packs , Michel Polydor est en plein Brief car il y a plusieurs trucs à ne pas oublier, que ce soit en terme de sécurité comme en terme d’enregistrement des prises avec l’application et le gabarit développé par le comptoir des pêcheurs.
10h, c’est le coup d’envoi après quelques au revoir et encouragements. 50 binômes s'élancent sous l’arche du départ pour la première course chronométrée de la compétition qui pourra donner des points bonus à ceux qui arriveront dans le meilleur temps. Avec Clément, on s’est dit que comme on n'était pas vraiment des athlètes, on allait plutôt essayer de marcher à un rythme soutenu mais sans se cramer les ailes pour la suite de la Salmo.
11h30. On vient d’arriver au premier checkpoint, au pied du barrage de l’Oule. On est déjà rincés. Certes on est pas premiers mais on est dans le ventre mou du classement. On s’autocongratule un peu quand même entre deux gorgées d’eau et en voyant les premiers blessés (entorse) qui se verront déjà contraints d’abandonner la compétition. En arrivant sur le mur du Barrage, on se dit que ca serait quand même sacrément dommage de ne pas pouvoir faire cette Salmo entière à cause d’une foutue blessure.
On admire le grand bleu du Lac puis on se dirige vers le lac de Port Biel en traversant la sapinière de Bastanet.

13h30. C’est marrant dans ma tête les sapinières c'était plutôt des grandes étendues plates avec plein de jolis sapins...apparement c’est pas ça du tout. Ça fait 2h qu’on monte une immense côte sur un sentier mal pavé le long d’une très jolie rivière, point positif : on est sous les sapins, ce qui à l’immense bénéfice de nous procurer un peu d’ombre car le soleil a décidé de taper très fort pour cette première journée.
14h30. La terre s’aplatit enfin sous nos pieds et on atteint un joli petit plateau qui forme un joli petit lac. Première fois qu’on pose le sac depuis le départ , je me sens léger soudainement. On prend 20 minutes pour pêcher et souffler puis on se fait notre première ration lyophilisée. Le plaisir gustatif éprouvé à cet instant nous fait dire que ça va être long 2 jours et demi. On échange avec plusieurs binômes sur les premières impressions de ce trek et on se rassure en entendant que tout le monde trouve ça déjà physique. Même les arbitres qui nous rejoignent en queue de peloton reprennent leur souffle en nous racontant que certains binômes ont déjà abandonnés.

16h. Avec Clément, on se décide à monter le dernier palier qui nous mènera au joli lac de Port Bielh, où nous pourrons installer le bivouac pour la soirée. Je pense à ce moment précis que mes jambes m’en voudront à tout jamais d’avoir fait une pause plus tôt, les laissant refroidir pour repartir sur l’ascension qui nous attend. Désormais il n’y a plus d’arbres alentour et le soleil a décidé qu’avoir mal aux pieds n'était pas suffisant mais que brûler notre épiderme sera une punition bien supérieure pour avoir voulu participer à cette aventure.
17h30. On est arrivé, ouf ! On voit des tentes et on aperçoit nos deux compères Romain et Thibault en train de manger du saucisson. On est content de se retrouver dans ce paysage somptueux. On se félicite les uns et les autres et on échange sur le fait que quand même, la montagne, bah ça monte un peu.
On installe la tente, on boit un café et on admire le paysage au fur et à mesure que la soirée s’installe. Pour dresser le tableau : on a d’un côté un lac Splendide à l’eau cristalline d’un bleu intense. Ça me fait penser à la blague de Dany Boon sur le canard WC dans la mer méditerranée… la fatigue sans doute.Ce lac est enfermé entre 2 cols géants dont la surface ne laisse apparaître que des blocs rocheux gigantesques. Sur l’autre versant, en contrebas de notre bivouac, on aperçoit au loin dans la vallée le Lac d’Oule où nous étions quelques heures plus tôt. Le paysage est somptueux.
19h. Les gars ont eu la grande idée que comme la zone de bivouac était au pied du Lac de Port Bielh, tous les compétiteurs allaient le pêcher et qu’il serait super judicieux de redescendre à celui où nous avions passé un bout d'après midi pour faire le coup du soir.
Au fond de moi je me dis que c’est quand même bien dommage de redescendre ce qu’on viens de transpirer à monter pour devoir le remonter ensuite la nuit tombée, mais bon, on est là pour faire du poisson donc autant se donner les chances pour.

21h.Ca fait 2 heures qu’on essaye tant bien que mal d'attraper un poisson et la manche s’arrêtera a 22h. Il y a beaucoup d'activités en surface et on a subi 2 magnifiques décroches. Les moustiques profitent que le soleil se soit planqué derrière les montagnes pour s’attaquer à nous. Je sais pas s' ils ont une espèce de moustique à eux dans le coin mais ils sont énormes et arrivent à me mitrailler les épaules au travers de mon tee-shirt.
On remonte vers 21h30 pour admirer les nuages qui envahissent la vallée en dessous de nous. On peut dire qu’on a la tête dans les nuages. Le sifflet sonne, il est 22h, la manche est terminée pour aujourd’hui.
SAMEDI
5H30. Le réveil vient de sonner et on se prépare pour le coup du matin sur le lac de Port Bielh.Le temps de marcher jusqu'à l'autre rive et il est l’heure de lancer nos leurres. Vers 9h le petit déjeuner est pris et le bivouac est replié. Direction le lac de Hourquette où se tiendra notre zone de bivouac pour la nuit prochaine.Mais pour y arriver il faut passer le col situé à plus de 2500m d’altitude.
10h. C’est marrant comme plus on monte, plus le souffle se fait court et les pas se font petits. Après avoir passé un pierret bien sympa, on a entamé le franchissement du col par un petit sentier en zigzag . Un franchissement d’un dénivelé de 250m environ.
11h30. On est tout là-haut. On domine le lac de port Bielh qui paraît ridicule d’ici alors qu’il était si grand ce matin.Les blocs de pierres posés là par le temps nous invitent à poser nos fesses quelques instants pour reprendre notre souffle et faire promettre à notre coeur de ne pas sortir de sa cage thoracique tellement il frappe fort.Lorsqu’on attaque la redescente, on voit la zone de bivouac en bas et on se dis qu’une bonne solution serait de se délester de nos sacs avant d’attaquer les épreuves de l'après midi. Car oui, ce n'est pas fini pour aujourd’hui.

12H30. Le Bivouac est posé et on se déleste de nos gros bagages pour faire la suite de la compétition. On garde le nécessaire, surtout notre système de filtration accompagné d’ une gourde ainsi que notre matériel de pêche puis on s'élance en direction du réservoir des laquets où nous devons pointer pour valider notre marche.
14H30. C'était plus loin que ce qu’on pensait.On galère un peu quand même, on peut pas se le cacher mais on se rassure en voyant les autres binômes qui galèrent autant que nous. Les nuages ont décidé qu’ils allaient faire la marche avec nous et on évolue depuis tout à l’heure dans la brume. Le côté sympa c’est qu’au moins on ne crame pas sous les UV, l’inconvénient c’est qu’on ne peut même pas voir le paysage pour penser a autre chose pendant la marche. D’un naturel plutôt bavard et à l’affût de la moindre ânerie ou jeux de mots à raconter, notre binôme se fait plus silencieux, plus concentré sur ça marche.
15H30. Sur le chemin du retour, on doit pointer à hauteur du lac de Gréziolles pour le début d’un parcours chrono qui va jusqu'à la zone de Bivouac, tout en dénivelé positif. On s'arrête donc tester la pêche sur le Lac avant de pointer. La pêche est encore une fois sans succès autant pour nous que pour l’autre binôme que nous avons retrouvé ici. J’avoue rencontrer un moment de blues, certainement lié à un coup d’hypoglycémie, mêlé à de la fatigue physique...et puis à ces foutus poissons qui ne mordent pas.

16h15, on pointe le début du parcours chrono mais avec Clément on sait déjà qu’on ne le jouera pas.En descendant ce parcours à l'aller, le lac du Campana nous a fait de l'œil et nous nous y arrêterons pêcher, tant pis pour le chrono.
17h. On est aux abords du lac dont nous ne voyons aucune rive tellement le brouillard est épais. J’ai même perdu mon Clément de vue malgré que je sois à 20m de lui et que ce soit un beau bébé. Je décide de changer de mode de pêche et accroche un poisson nageur MNWFS en taille 85 coloris vairon. Vu la taille des vairons qu’on voit depuis hier dans ces lacs, je me dis que les truites doivent être habituées à en manger et que c’est peut être même leur nourriture principale. Je lance, laisse couler jusqu’au fond ce qui me paraît être une éternité puis commence mon animation. La touche se fait ressentir direct et quand je sens que le poisson au bout de la ligne fait un poids correct, j’annonce la bonne nouvelle à mon binôme avec un cri perçant le brouillard comme la corne de brume d’un navire échoué.
Le géant Clément déboule en courant manquant de se retrouver à l’eau sous l'éboulement de cailloux en me criant "celle-là la lâche pas hein?! celle-là tu la tiens mon gars !” . Le poisson dans l'épuisette, nous nous regardons comme deux larrons en foire et hurlons de joie en nous serrant dans les bras comme si notre vie en dépendait.
J’imagine le randonneur non averti passant de l’autre côté du lac, entendant les hurlements de joie de deux ours au travers du brouillard, raconter avoir croisé la route du yéti le soir au comptoir du refuge.
Les photos prises, notre truite miraculeuse retrouve sa liberté après avoir été remerciée de nous permettre d'apparaître dans le classement. Ce sera la seule de la journée.

20h. On est enfin de retour au bivouac.Un chamois nous salue tout là haut sur la crête et on entend plein de marmottes siffler notre performance du jour. Après un repas, et le plein d’eau fraîche, on attaque le coup du soir sur le lac au pied du campement avec l’autre Binôme. Ce sera un remake de “Gorilles dans la Brume” de Dian Fossey avec 4 grandes goules qui se racontent des blagues dans le brouillard, mais sans poisson.
22h. Fin de la manche. On ne fait pas de vieux os ce soir, demain nous attaquons déjà la route du retour.
DIMANCHE.
6h. On a subi une tempête cette nuit et le repos a été très léger. Il fait froid ce matin et les muscles sont engourdis. Une fois le café et le petit déjeuner avalé à l’intérieur de la tente, on replie toutes les affaires et on repart à l’assaut du col de Bastanet. Je ne vais pas dire qu’il nous paraît facile mais j’ai l’impression qu’on gère mieux notre respiration et notre rythme de marche et bien que ce passage de col soit toujours aussi physique,on est plutôt satisfait de notre allure une fois en haut.

S'ensuit toute la matinée la redescente vers le lac de Bastan, puis les lacs inférieurs,etc … On retrouve au fur et à mesure de notre descente la végétation qui se densifie, on croise des randonneurs, des fleurs, et même un gros refuge qui a l’air d'être le HOTSPOT des randonneurs locaux tellement il y a de monde partout.
10h. On est arrivés presque tout en bas et on se retrouve à nouveau aux abords du lac d’Oule. On s'arrête pêcher un peu, toujours sous le brouillard, mais sans résultat encore une fois. Le timing nous met un peu la pression car nous savons qu’il nous reste pas mal de kilomètres à parcourir afin de rejoindre la ligne d’arrivée, en plus on à la contrainte de devoir arriver à 12H00 sous peine d’avoir des points de pénalité, voire d'être éliminés.
10H30. On s’engage sur la dernière ligne droite. Ça sent la fin car on a déjà croisé plus de monde de l’encadrement de la FFPS qui nous a interviewé, fait le point sur nos captures (du coup pour nous c'était rapide) ..etc. Les binômes sont aussi plus serrés, certains sont en mode course à pied avec tout leur matériel….perso nous jouerons plutôt les tortues que le lièvre.
12H. Nous franchissons la ligne d’arrivée après une longue (trop longue) montée. Nous sommes clairement allés au bout de nos forces et je n’ai jamais été aussi heureux de voir un grand roux barbu qu'était le commissaire de la course qui attendait au pied de la ligne d’arrivée et qui nous applaudissait en disant “C’est bon mon gars, bravo ! T’es arrivé ! Bravo!”.

Après environs 9 litres d’eau consommées, des kilomètres de cailloux sous les pieds et de fil de moulinet déroulé, des images pleins les yeux et des genoux enflammés, nous étions enfin au bout de notre challenge et avions déjà le sentiment d’être victorieux sans même que le classement ait une importance.
Les résultats rendus, nous n'étions pas aux premières places, et ce sans surprises.
Bravo aux vainqueurs du podium Mathieu Cabar et Morgan Favar qui méritent amplement leur première place ainsi qu’ a Morgan Calu et Thomas Vogels pour leur 2ème place sans oublier Benoît Rayon et Bastien Fourragna pour leur médaille de bronze.
Après un repas tous ensemble puis une remise des prix, nous nous sommes à nouveau séparés puis reconnecter à nos vies ainsi qu’au rythme que nous avions mis entre parenthèses le temps d’une compétition hors norme. Dans la voiture, sur la route du retour, quelques heures à peine venaient de passer depuis la fin de cette épreuve et nous avions déjà tous au fond de nos pensées envie d’y retourner.

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