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Silure vs pêcheurs professionnels : un faux coupable pour un vrai problème

  • Photo du rédacteur: Emilien Feron
    Emilien Feron
  • 2 juil.
  • 3 min de lecture

Depuis quelques années, le silure glane, poisson emblématique des grands fleuves français, est au coeur d'une polémique médiatique et politique. Accusé de décimer les populations de poissons migrateurs, il est devenu le bouc émissaire idéal d'un système qui cherche à détourner l'attention de ses propres responsabilités. Et si le véritable problème n'était pas ce prédateur opportuniste, mais bien la pêche professionnelle et la gestion humaine des cours d'eau ?





Le silure, un prédateur naturel diabolisé

Réintroduit en France dans les années 1970 après sa disparition post ère glaciaire, le silure (Silurus glanis) est aujourd'hui une composante à part entière de l'écosystème des grands fleuves. Il a su s'adapter, devenant un prédateur apex dans des milieux déjà perturbés par l'activité humaine.


Omnivore à tendance carnivore, son régime alimentaire est extrêmement opportuniste : poissons blancs, écrevisses, mollusques, amphibiens, oiseaux aquatiques, voire de petits mammifères ou charognes. Toutefois, les études montrent que le silure adapte son alimentation à l'abondance locale de proies.

En moyenne, moins de 5 % de son régime est constitué de poissons migrateurs, sauf aux points de concentration artificielle (comme les passes à poissons), où sa prédation peut être localement plus visible, un biais souvent exagéré dans les discours anti-silure.


Contrairement aux idées reçues, le silure ne chasse pas de manière effrénée : son rythme alimentaire est lent et soumis à des cycles saisonniers. Il peut rester plusieurs jours sans se nourrir, et sa croissance ralentit considérablement passé un certain âge. Les grands individus jouent même un rôle de régulateur, notamment par cannibalisme, limitant la surpopulation. À ce titre, leur élimination massive pourrait paradoxalement favoriser une explosion de jeunes silures, plus actifs et voraces.

Mais faut-il pour autant en faire le principal responsable du déclin de ces espèces ?




Un silence gênant sur la pêche professionnelle

 « Aucune étude scientifique à ce jour ne permet d'affirmer que le silure est la cause principale du déclin des migrateurs. »Rapport du Conseil scientifique du Comité national de la biodiversité (2023)


« L'impact du silure reste secondaire par rapport à celui des barrages, de la pollution et de la pêche. »ONEMA (Office national de l'eau et des milieux aquatiques)


Les attaques du silure sur les migrateurs sont souvent observées aux échelles à poissons, points de passage étroits et artificiels. Mais ces attaques mettent surtout en lumière un échec : l'architecture des passes mal conçues, qui ralentit ou piège les migrateurs.


Pendant que l'on s'acharne sur le silure, les chiffres sur les prélèvements humains des espèces migratrices parlent d'eux-mêmes :

  • Environ 360 pêcheurs professionnels pratiquent la pêche aux engins (filets, nasses…) sur le domaine public fluvial en France métropolitaine (source OFB).

  • Les filets dérivants capturent 5 à 15 tonnes d'aloses annuellement dans les estuaires.

  • En 2023, le quota français de civelles (alevins d'anguilles, une espèce classée en danger critique) s'élevait à 8,5 tonnes dans les rivières, et 56,5 tonnes en mer.

  • Dans le bassin Loire-Allier, seulement 568 saumons sont comptabilisés chaque année en moyenne depuis les années 2000. L'objectif écologique fixé est de 2 400 individus/an. La pression humaine est telle qu'on est à moins de 25 % de l'objectif de repeuplement (Source : LOGRAMI, 2020).


Et pourtant, ces prélèvements sont non seulement légaux, mais parfois subventionnés ou tolérés au nom de traditions locales. Dans certains cas, les quotas sont même augmentés par décision préfectorale, contre l'avis des scientifiques.



Une hypocrisie de gestion ?

Il est paradoxal d'entendre certains représentants de la pêche professionnelle se poser en défenseurs des migrateurs face au silure, alors qu'ils prélèvent eux-mêmes directement ces espèces, souvent sans distinction ni transparence.

On nous parle de silures, mais ce sont les barrages, les filets et la pollution qui ont détruit les frayères. Le silure n'a fait que s'adapter à un système déjà ruiné.


Plus encore, les campagnes de régulation du silure sont parfois menées avec des moyens démesurés (pêche électrique, abattages, piégeage à outrance comme on a pu voir ces dernières semaines), alors que son exploitation commerciale reste marginale et peu structurée. On tue un prédateur sans même savoir si son élimination sera bénéfique à l'écosystème.


Il faut aussi rappeler que les plus gros silures (souvent visés par ces régulations) jouent un rôle de régulateur naturel par cannibalisme ....



 
 
 

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